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18. (1865) Les femmes dans Molière pp. 3-20

On sent là, comme aux courtes et dignes paroles qu’elle adresse à Trissotin sur sa brusque retraite, une nature énergique et noble au fond, à qui il ne manquait peut-être que d’être contenue et dirigée par un mari ayant lui-même plus de caractère. […] Ces paroles de Clitandre, qui s’appliquent si bien à la modeste et gracieuse Henriette, expliquent la vraie pensée de Molière sur ce que doit être la femme ; et servent de correctif à ce qu’a d’exagéré dans l’expression la fameuse tirade, si juste au fond, du bonhomme Chrysale dans la septième scène du deuxième acte. […] Le plus sûr et le meilleur, pour deux cœurs qui s’aiment tendrement, c’est de tempérer tout d’abord d’un peu, de beaucoup même, de raison et d’indulgence mutuelle, l’expansion de leurs sentiments les plus vifs, afin que par une sorte de réciproque d’une belle parole de l’Évangile, ils soient beaucoup aimés parce qu’ils auront beaucoup pardonné. […] Je le croirais volontiers à la manière généreuse avec laquelle il la traite, la parant de toutes les grâces et ménageant si délicatement le côté odieux de son caractère, comme aussi à ces paroles si touchantes qu’il lui adresse par la bouche d’Alceste : Défendez-vous au moins d’un crime qui m’accable, Et cessez d’affecter d’être envers moi coupable. […] Mot charmant que devrait se rappeler plus d’un couple s’engageant peu à peu sur une pente fatale, où il suffirait souvent d’une bonne parole pour tout réparer.

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