Encore aujourd’hui, après cent soixante-dix ans, n’est-ce pas le seul poète qui le divertisse, le seul qui l’instruise, le seul qui parle son langage ? […] Là, de l’antiquité Il apprend à goûter la sévère beauté ; Il parle, dans ce monde où l’étude l’exile, La langue de Platon et celle de Virgile ; Il interroge et suit, comme ses précurseurs, Les poètes hardis et les profonds penseurs. […] Si tant de vérité dans vos œuvres respire, C’est que par votre voix la nature a parlé : Vos héros ont l’amour dont vous avez brûlé, Vos haines sont en eux, comme vos sympathies ; Toutes les passions que vous avez senties, Tous les secrets instincts par vos cœurs observés, En types immortels vous les avez gravés ; L’art ne fut pas pour vous cette stérile étude Qui peuple d’un rhéteur la froide solitude ; L’art, vous l’avez trouvé, lorsque pauvres, errants, Vous viviez au hasard mêlés à tous les rangs ; Personnages actifs des scènes toujours vraies, Qui passaient sous vos yeux ou tragiques ou gaies ; L’art a jailli pour vous, nouveau, libre, animé, De tous les sentiments dont l’homme est consumé ; Vous avez découvert sa science profonde Non dans les livres morts, mais au livre du monde. […] Quand la foule du siècle, en tumulte à ses pieds Passera.… tout à coup si vous vous animiez Comme le commandeur, marbre de sa statue, Et si sa voix parlait à cette foule émue, Que dirait-il ?