Ils s’entretenaient de Tartuffe, au portrait duquel ils donnaient le dernier coup de pinceau, et ils achevaient de prouver que les dévots, non contents de leurs pieuses grimaces, ne s’insinuaient dans les maisons que pour s’enquérir des affaires les plus secrètes, mettre la discorde entre le père et les enfants, et devenir peu à peu les tyrans des familles. […] « L’hypocrite est un homme très madré, mais d’assez bon conseil, qui dirige, pour son intérêt il est vrai, un père de famille simple et crédule. Ce père, nommé Lisée, a cinq filles. […] C’est au tribunal de la pénitence que l’abbé fait éclater sa passion criminelle ; la jeune femme stupéfaite lui dit : « Ô mon père ! […] Ce ne sont point ses insinuations qui décident Orgon à déshériter son fils ; il est bien plus habile : c’est en feignant de l’excuser, c’est en demandant grâce pour lui qu’il enflamme de plus en plus le courroux de son père ; et quand celui-ci le chasse, l’accable de sa malédiction, Tartuffe est au comblé de ses vœux, parce qu’il espère être à jamais délivré d’un témoin qui a tout entendu, et qui peut toujours devenir un accusateur.