Non : l’homme, être perfectible, n’est honnête homme qu’en s’appliquant de toutes ses forces à régler en soi les passions excessives, à se rendre meilleur de toutes façons, par le travail, par la science, par la charité, par les manières même et par la politesse, par l’esprit et par le corps, enfin à s’approcher autant que possible du type idéal de l’humanité ; en sorte qu’il réalise le vœu de Platon, qui demande que la vie du sage soit un effort pour se rendre semblable à Dieu 124, ou plutôt qu’il obéisse au commandement du Christ : « Soyez parfaits comme votre Père céleste est parfait 125. » Ce n’est pas seulement en gros et dans les circonstances importantes qu’il faut être vertueux : l’honnêteté consiste à se perfectionner en tout genre, à poursuivre le bien en toutes choses, à fuir, après les vices, les défauts, les travers, les ridicules même, et toutes les misères adhérentes à l’humanité, qui rendent quelquefois les petites vertus plus difficiles à pratiquer que les grandes. […] Molière semble n’avoir oublié aucun des points sur lesquels doit être parfait son honnête homme : il ne tolère ni l’extravagance de l’important-, qui dérange tout le monde, qui veut que tous S’occupent de lui, et qui tranche toutes lés questions avec une suffisance burlesque176 ; ni la politesse écervelée de ceux qui se rendent importuns à force de civilités, et s’obstinent à rendre service aux gens malgré eux177 ; ni la sotte vanité de rougir de Ses pères, de se faire appeler M. de la Souche au lieu d’Arnolphe 178, ou de vouloir, au risque de ruiner sa maison, devenir, de bourgeois, gentilhomme179 : ce travers, qui semblerait au premier abord excusable, peut aller pourtant, jusqu’à une réelle dégradation morale, aboutir à la perle des biens péniblement acquis, et au malheur des enfants ridiculement mariés180.