/ 170
91. (1848) De l’influence des mœurs sur la comédie pp. 1-221

Le public se porte en foule au Barbier de Séville, au Mariage de Figaro, non pas seulement parce que les situations originales et la gaieté de ces ouvrages l’intéressent et l’amusent, mais parce qu’il y trouve formulés d’une façon spirituelle ses griefs contre les hautes classes, et les mille abus de l’ancien régime. […] Le plus souvent ce comique est fort original, comme dans la scène du Barbier de Séville, où Basile, stupéfié par tout ce qu’il entend, prend congé de la compagnie, sur le conseil que chacun lui donne de s’aller coucher. […] Voilà, certes, un original fort bien dépeint ; cependant Molière ne se borne pas à nous en donner le portrait. […] L’avidité de quelques-uns de nos honorables, entre autres, y est mise en relief d’une façon fort originale. […] C’est que Molière alors, s’ignorant encore lui-même, tâtonnant et cherchant sa route, n’avait précisément donné jusque-là que des comédies romanesques imitées des imbroglios italiens et espagnols, et qu’il montrait pour la première fois aux spectateurs ravis l’imitation d’un travers à la mode, une comédie vraie, où tous les personnages étaient des portraits d’autant plus piquants pour eux, qu’ayant sous les yeux les originaux, ils pouvaient, par la comparaison, en apprécier la parfaite ressemblance.

/ 170