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169. (1853) Histoire de la littérature dramatique. Tome II « Chapitre IV. Que la critique doit être écrite avec zèle, et par des hommes de talent » pp. 136-215

En vain La Bruyère l’a replacée dans un des coins les plus vifs et les mieux éclairés de son immense comédie ; en vain, de temps à autre, par un soin littéraire qui se retrouve à toutes les époques, a-t-on voulu rétablir la scène du pauvre, j’ai presque dit la scène du monstre (pour parler comme l’affiche de l’Opéra), telle qu’elle fut jouée à la première représentation… La tentative était inutile ; Don Juan et Sganarelle furent respectés, le pauvre disparut pour toujours ; pour toujours, on le croyait, on le disait du moins, car le texte même de Molière, le texte du Don Juan original, avait été remplacé par l’improvisation du second Corneille ; qui se garda bien de nous ramener ce mendiant qui était le si mal venu dans ce drame de joie, de duels, de dettes non payées, d’enfants railleurs, de filles abusées, de pères conspués ; un drame où tout abonde de ce qui est le vice, l’ironie, la grâce, l’éloquence, l’art, la passion, le plaisir, la fête, le bon goût, la parodie des choses divines, le mépris de l’autorité humaine, jusqu’à ce qu’enfin, de péril en péril, de folies en paradoxes, de cruautés en trahisons, le héros merveilleux de cette fantaisie abominable et charmante tombe, la tête la première, dans son dernier abîme, dans le dernier de tous les abîmes, l’hypocrisie.

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