Mais si Molière procède ainsi pour des souffrances morales que d’ordinaire on n’aime guère à avouer en public, que fera-t-il donc pour des souffrances d’esprit plus faciles à avouer et surtout pour des infirmités physiques où l’honneur propre n’est pas engagé ? […] Mais, par malheur, il a si bien trouvé le titre de son livre, et, suivant les procédés ordinaires de son génie, il a si bien adapté dans Arnolphe les paroles à l’homme et l’homme aux principes, que pour peu qu’on eût de prévention contre lui, il n’était pas facile de discerner s’il avait voulu ridiculiser les idées dont se sert Arnolphe, ou bien l’usage qu’il en fait ; et, cette fois, les dévots éclatèrent. […] Supposez que Molière eût été seulement un homme de talent, d’un certain talent : il aurait fait contre les dévots une comédie de la même colère et de la même portée que celle que fit Palissot contre les philosophes ; supposez qu’il eût eu plus que du talent, du génie, mais un génie de portée ordinaire : eh bien, il eût fait en comédie contre les dévots, ce qu’a fait contre eux La Bruyère dans ses Caractères, qui ne vont pas au-delà de ce que La Bruyère pouvait avoir sous les yeux. […] Privilège charmant de l’esprit français de n’être le don que d’un seul peuple et de plaire à tous tandis que d’ordinaire ce qu’il y a d’original dans une nation est ce qui rebute le plus facilement les autres. […] N’éprouvez-vous pas l’impression de malaise que produit d’ordinaire ce qui est discordant et incomplet ?