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116. (1800) De la comédie dans le siècle de Louis XIV (Lycée, t. II, chap. VI) pp. 204-293

Comme celle-ci offre de grands intérêts à démêler, on fait la plus sérieuse attention à la manière dont l’action se termine; mais, comme dans la comédie il ne s’agit ordinairement que d’un mariage en dernier résultat, divertissez pendant cinq actes et amenez le mariage comme il vous plaira, le spectateur ne s’y rendra pas difficile, et je garantis le succès. […] Emprunter à la morale une des plus grandes leçons qu’elle puisse donner aux hommes, leur démontrer cette vérité qu’avaient méconnue les plus fameux philosophes anciens, que la sagesse et la vertu1 même ont besoin d’une mesure, sans laquelle elles deviennent inutiles, ou même nuisibles; rendre cette leçon comique sans compromettre le respect dû à l’homme honnête et vertueux, c’était là sans doute le triomphe d’un poète-philosophe, et la comédie ancienne et moderne n’offrait aucun exemple d’une si haute conception. […] Cela ne vaut-il pas mieux (même dans les rapports moraux, et en mettant de côté l’effet dramatique) que de nous offrir un modèle presque entièrement idéal! […] Mais, en vérité, le fils d’Harpagon n’a offensé personne en avouant qu’il est amoureux de Marianne quand son père offre de la lui donner; et s’il persiste à dire qu’il l’aimera toujours, quand Harpagon convient que ses offres n’étaient qu’un artifice pour avoir le secret de son fils, et veut exiger qu’il y renonce, sa résistance n’est-elle pas la chose du monde la plus naturelle et la plus excusable? […] Que l’on propose à un poète comique, à un auteur de beaucoup de talent, un plan tel que celui-ci : Un homme dans la plus profonde misère vient à bout, par un extérieur de piété, de séduire un homme honnête, bon et crédule, au point que celui-ci loge et nourrit chez lui le prétendu dévot, lui offre sa fille en mariage, et lui fait, par un acte légal, donation entière de sa fortune.

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