Depuis qu’un écrivain illustre, mêlant l’histoire et la biographie à l’étude des grandes œuvres de la pensée, a ouvert à la critique littéraire une voie nouvelle, bien des gens s’y sont précipités à sa suite ; mais, comme ils n’avaient ni le bon sens exquis, ni les lumières de M. […] Ils verraient leurs inspirations interprétées par des causes tour à tour grandioses ou mesquines, également chimériques, toujours subtiles et raffinées ; les secrets les plus intimes de leur conscience littéraire exposés avec une intrépidité sans égale par des gens qui, vivant à deux siècles de distance, ne les connaissent que par leurs œuvres et par quelques anecdotes plus ou moins authentiques. […] Il saurait qu’il n’y a pas un de ses personnages qui ne soit le portrait fidèle de quelqu’un de ses contemporains, pas un trait qu’il ne doive à quelque inconnu, pas une inspiration qui lui soit propre, — de sorte que sa part d’invention est aujourd’hui réduite à bien peu de chose, et que tout le monde, au XVIIe siècle, finit par être un peu plus l’auteur des œuvres de Molière que Molière lui-même. […] Quant à l’œuvre de ses dernières années, cette merveilleuse Athalie, si différente de ses précédens ouvrages, si peu comprise par les contemporains, il faut aussi trop de complaisance pour y voir autre chose qu’une grande inspiration religieuse, due à ses souvenirs de Port-Royal, à ses amitiés jansénistes, enfin à la lecture assidue de la Bible, qui enhardit le génie de Racine et donna cette fois à son style une trempe singulière et une couleur d’un éclat inattendu. […] Dans cet enfantement laborieux et sanglant de la société moderne, que d’œuvres puissantes, éternelle méditation des âges suivans !