Mais d’abord, à ses yeux, les hypocrites sont plus rares et par conséquent moins redoutables qu’aux yeux de l’incrédulité, qui se plaît à en grossir le nombre et le danger : ensuite, par prudence, si ce n’est par charité, elle s’abstient généralement de lancer contre ses faux adorateurs des censures dont ses ennemis ouverts sont toujours prêts à abuser. […] À la vérité, on trouve dans Horace cette peinture d’un faux dévot de l’ancienne Rome : « Cet homme vertueux sur qui tous les yeux sont attachés, soit dans les places publiques, soit dans les tribunaux, toutes les fois qu’il apaise les dieux par le sacrifice d’un porc ou d’un bœuf, ne manque pas d’élever la voix en invoquant Apollon ou Janus ; puis, marmottant tout bas en homme qui craint d’être entendu : Belle Laverne, dit-il, accordez-moi la grâce de duper tous les yeux, de passer pour un homme juste, irréprochable ; enveloppez mes fraudes d’une nuit profonde, couvrez mes fourberies d’un nuage favorable. » À ces traits, il est difficile de méconnaître l’hypocrisie religieuse, l’hypocrisie de dévotion.