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154. (1853) Histoire de la littérature dramatique. Tome II « Chapitre IV. Que la critique doit être écrite avec zèle, et par des hommes de talent » pp. 136-215

L’esprit aime à changer d’objet et d’action, — à agiter des idées, à faire mettre, à mettre au jour les choses ignorées ; il aime là la vérité, il aime l’erreur ; le mensonge ne lui déplaît pas toujours. — L’esprit est roi, il est le maître, il est maître absolu, il appelle la contradiction, il exècre l’esclavage, il se plaît à frôler les divers écueils où tombe, en s’agitant, la raison humaine ; il recherche avec rage tout ce qui brille, et tout ce qui chante, et tout ce qui se voit au loin ; il est fou de couleurs, fou de lumière et de fracas ; le demi-jour lui sied à merveille ; il ne hait pas le crépuscule ; si la nuit est profonde, il saura tirer parti des ténèbres ! […] Soyez brillant avec les esprits brillants ; soyez sobre avec les esprits bornés ; ayez soin de vêtir convenablement la vérité un peu nue ; aimez à dégager la beauté des voiles qui la gênent. — Un grand esprit a le défaut suprême de ne voir que l’ensemble et de négliger les détails ; un petit esprit a cette grande qualité d’embrasser une quantité d’objets curieux, utiles, bons à étudier, bons à savoir ; l’esprit enjoué, grâce à sa bonne humeur, fait passer bien des choses d’une rude et cruelle digestion. […] Pauvre Sganarelle, tu auras un maître demain ; mais qui te rendra cette reine, la bienfaisance en personne, cette sainte ici-bas, qui restera le digne objet de tes souvenirs, de ta reconnaissance et de tes respects16 ? 

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