Dans Shakespeare, la pensée marché par bonds ; les saillies, les écarts se multiplient ; l’intelligence n’a pas eu le temps de comprendre toute une idée, qu’une nouvelle idée se précipite, pressée par une troisième qui en dévore la moitié ; les yeux sont encore éblouis de l’éclat d’une image, qu’une nouvelle image se jette à la traverse, croisée par une troisième qui les efface toutes deux. […] Mais un homme puissant, ami des dames qui pouvaient se croire offensées par la comédie nouvelle, en défendit la représentation ; cette interdiction dura plusieurs jours. […] Le sixième jour de la fête, on promit pour le soir une comédie nouvelle de Molière, qui n’était pas encore terminée. […] En l’absence du roi, parti pour la guerre de Flandre, le premier président du Parlement, Lamoignon, opposa son veto formel à une nouvelle représentation ; l’archevêque de Paris fit un mandement qui défendait « à toutes personnes de voir représenter, lire ou entendre réciter la comédie de l’Imposteur, soit publiquement, soit en particulier, sous peine d’excommunication » ; et le Tartuffe ne put être mis en liberté qu’en février 1659, à la faveur de l’apaisement des querelles religieuses, et de la réconciliation momentanée des diverses opinions de l’Église de France.