Oui, l’auteur du Tartuffe a fait Amphitryon 586 ; celui qui a soulevé contre le suborneur hypocrite une indignation telle, que le public n’eût pas été content si le roi même n’était venu frapper ce monstre par sa justice exceptionnelle et terrible587 ; celui qui, craignant qu’on ne lui attribuât une seule des paroles prononcées par son odieux personnage, mettait en note : « C’est un scélérat qui parle588 ; » ce même homme, pendant trois actes qui sont trois chefs-d’œuvre de comédie, de poésie et d’esprit, a fait rire du noble Amphitryon et de la touchante Alcmène, trompés dans leurs honnêtes amours par le don Juan de l’Olympe. […] S’il y a une puissance dégradante, c’est celle du génie qui se consacre à persuader aux hommes que leur noble et presque divine nature n’est autre que la nature sans gêne des bêtes, plus heureuses que nous d’ignorer les contraintes de la décence et de la morale654 : — puissance d’autant plus criminelle qu’elle s’impose invinciblement aux cœurs fascinés ; d’autant plus impardonnable qu’elle peut, si elle veut, élever aussi haut les âmes vers le bien, qu’elle les abîme profondément dans le mal655.