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177. (1886) Molière : nouvelles controverses sur sa vie et sa famille pp. -131

C’est Victor Hugo, en effet, qui, jugeant Molière bien plus vrai que nos tragiques, parce que la comédie est bien plus près de la nature que la tragédie, n’hésite pas à repousser toutes les critiques amassées sur son style, qu’il déclare admirable : « Chez lui, le vers embrasse l’idée, s’y incorpore étroitement, la resserre et la développe tout h la fois, lui prêle une figure plus svelte, plus stricte, plus complète, et nous la donne, en quelque sorte, en élixir. » Mais, encore une fois, je n’entends point prendre parti dans un si gros différend ; je nie borne à une seule observation. […] Pourquoi scinder ainsi le récit de l’abbé d’Olivet, qui de sa nature était indivisible ? […] Ballande, et sa réponse n’est pas de nature à faire bien augurer du rapprochement dont je viens de parler. […] Pour misanthrope, il l’était assurément, car il écrivait à son frère Joseph, dans cette curieuse correspondance que la Revue historique a publiée : « Je suis ennuyé de la nature humaine ! […] A vingt-neuf ans, j’ai tout épuisé ; il ne me reste plus qu’à devenir bien vraiment égoïste. » Voici ce que cet homme, si peu indulgent pour la nature humaine et pour ses faiblesses, pensait de Philinte : « Le véritable Philinte de Molière n’est pas sans doute, comme le misanthrope Alceste, un Don Quichotte de vertu et de philanthropie ; il ne se croit pas obligé de rompre en visière aux gens pour des vers bons ou mauvais ; il connaît assez les maladies incurables des hommes pour savoir que la franchise, placée mal à propos, peut souvent faire beaucoup de mal en irritant gratuitement les passions ; en un mot, c’est un homme raisonnable, honnête, de bonne compagnie, et incapable de la moindre action ou du moindre discours qui blesserait la morale ou la délicatesse.

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