C’est Victor Hugo, en effet, qui, jugeant Molière bien plus vrai que nos tragiques, parce que la comédie est bien plus près de la nature que la tragédie, n’hésite pas à repousser toutes les critiques amassées sur son style, qu’il déclare admirable : « Chez lui, le vers embrasse l’idée, s’y incorpore étroitement, la resserre et la développe tout h la fois, lui prêle une figure plus svelte, plus stricte, plus complète, et nous la donne, en quelque sorte, en élixir. » Mais, encore une fois, je n’entends point prendre parti dans un si gros différend ; je nie borne à une seule observation. […] Pourquoi scinder ainsi le récit de l’abbé d’Olivet, qui de sa nature était indivisible ? […] Ballande, et sa réponse n’est pas de nature à faire bien augurer du rapprochement dont je viens de parler. […] Pour misanthrope, il l’était assurément, car il écrivait à son frère Joseph, dans cette curieuse correspondance que la Revue historique a publiée : « Je suis ennuyé de la nature humaine ! […] A vingt-neuf ans, j’ai tout épuisé ; il ne me reste plus qu’à devenir bien vraiment égoïste. » Voici ce que cet homme, si peu indulgent pour la nature humaine et pour ses faiblesses, pensait de Philinte : « Le véritable Philinte de Molière n’est pas sans doute, comme le misanthrope Alceste, un Don Quichotte de vertu et de philanthropie ; il ne se croit pas obligé de rompre en visière aux gens pour des vers bons ou mauvais ; il connaît assez les maladies incurables des hommes pour savoir que la franchise, placée mal à propos, peut souvent faire beaucoup de mal en irritant gratuitement les passions ; en un mot, c’est un homme raisonnable, honnête, de bonne compagnie, et incapable de la moindre action ou du moindre discours qui blesserait la morale ou la délicatesse.