Il n’en avait pas fait un vrai dévot, preuve de plus que Tartuffe n’en était pas un faux : mais simplement un honnête homme, l’honnête homme qu’était Molière, un esprit philosophe et libre, opposant aux excès qui jettent l’homme hors de la raison l’autorité du bon sens, ami de nature et qui ne dédaignait point la raillerie. […] Ce ne sont pas non plus des retouches de cette nature qui peuvent avoir touché l’esprit du roi : s’il a permis l’œuvre en 1669, après avoir maintenu la défense dix-huit mois encore, d’autres raisons évidemment se sont jointes à ces satisfactions telles quelles. […] Il ne perd pas de temps du reste, et dès qu’on lui parle de ce mariage avec Marianne : Ce n’est pas le bonheur après quoi je soupire… Et, avec une suavité digne de sainte Thérèse, il fait sa déclaration d’amour à Dieu dans la personne d’Elmire, car … je n’ai pu vous voir parfaite créature, Sans admirer en vous l’auteur de la nature, Et d’une ardente amour sentir mon cœur atteint, Au plus beau des portraits où lui-même il s’est peint. […] La lettre, d’ailleurs, ajoute plus loin cette très belle parole, digne de Molière même et qu’il a certainement inspirée : « La Providence de la nature a voulu que tout ce qui est méchant eût quelque degré de ridicule. » Voilà le secret du Tartuffe. […] Tout ce qui sort de la juste nature est du domaine du poète comique ; est-ce la faute de Molière si les excessifs ont poussé la religion sur ses terres ?