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196. (1885) Études sur la vie et les œuvres de Molière pp. -461

Quand on jouait le Misanthrope, à la cour, il n’était personne qui ne nommât tout bas M. de Montausier, l’honnête censeur des mœurs, mis en scène sous le nom d’Alceste ; et le ridicule d’Oronte, le métromane, faisait rire en même temps tous les familiers du duc de Saint-Aignan, tous ses bons amis, heureux de se venger des ennuis du personnage, en s’amusant de son portrait. […] Cette nouvelle faveur du roi n’était pas seulement une réponse indirecte aux invectives dirigées contre les pièces de Molière, mais aussi une sorte de protestation contre les attaques dont ses mœurs étaient alors l’objet. […] Celui qui aurait surtout fait tache aux abords de ce beau monde, si impatient de se dégager de la franchise des anciennes mœurs et de l’ancien esprit, pour prendre des habitudes de politesse prétentieuse ; le farceur, dont, à quelque temps de là, le moindre mot eût fait une effroyable dissonance avec le phébus des ruelles, Gaultier Garguille partit justement le premier ; il mourut, au mois de décembre 1633. […] La familiarité du maître et du valet ‘donne a celui-ci, en tant d’endroits de la pièce, une supériorité, qui vous généra peut-être, qui vous répugnera même : c’est encore un détail des mœurs de l’ancienne Italie ; comme le reste, elle vient de Rome, où l’esclave, dès qu’il était affranchi, devenait 1 égal, et bientôt, comme il avait acquis plus d’expérience par sa servitude même, le supérieur de son ancien maître. Mascarille, Scapin, ne sont que les copies des Sosies et des Daves de Térence et de Plaute, qui ont passé dans l’active et souveraine domesticité de la vie italienne, où tout se mêle et se confond encore si aisément : « Il y a, dit Stendhal, que nous ne nous lasserions pas de citer, il y a, en Italie, des fortunes différentes ; mais il n’y a pas de mœurs différentes !

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