En ce moment, Molière, par un coup de maître, fait dire à la princesse : Vous vous moquez seigneur, et ce n’est pas ce qu’il demande ; alors le prince se jette à ses genoux, avoue son amour et son stratagème, et lui en demande pardon, en protestant néanmoins que si elle veut se venger, il est prêt d’exécuter de sa propre main l’arrêt qu’elle prononcera ; la princesse lui répond : Non, non, prince, ce sont les termes de Molière, je ne vous sais pas mauvais gré de m’avoir abusée, et tout ce que vous m’avez dit, je l’aime bien mieux une feinte, que non pas une vérité. […] Il était temps que le pauvre enfant sortît de sa prison, car il était si mal à son aise depuis cinq ou six heures, que l’épinette en avait contracté une mauvaise odeur. » Le secret de l’épinette de Raisin était découvert lorsque Loret en parla, car après le passage que nous venons de rapporter, cet auteur poursuit ainsi. […] Mais il y a grande apparence qu’après ce temps, elle se dispersa, soit par la mauvaise administration de la veuve Raisin, soit parce qu’une partie des acteurs passa dans d’autres troupes. […] Ce ne fut point par son propre choix que Molière traita le sujet de Dom Juan, ou le Festin de Pierre a, « [*]ses camarades qui l’avaient engagé à ce travail furent punis d’un si mauvais choix par la médiocrité du succès ; soit que le préjugé qui régnait alors contre les comédies en cinq actes, écrites en prose, fût plus fort que l’esprit de vertige qui avait attiré le public en foule aux Italiens, à l’Hôtel de Bourgogne*, soit que l’on y fût blessé de quelques traits hasardésa, que l’auteur supprima à la seconde représentationb ». […] D’abord il montra beaucoup d’aigreur, et même de licence ; mais dans la suite il mit beaucoup de modération et moins de fiel : la première manière, en se rapprochant du mauvais comique reçu avant lui, servait moins au but qu’il s’était proposé ; au lieu que la seconde, plus douce et plus insinuante, était plus propre à la correction des mœurs, et remplissait mieux son intention.