Un époux si extraordinaire auroit pu lui donner des remords, & la rendre sage : sa bonté fit un effet tout contraire ; & la peur qu’elle eut de ne pas retrouver une si belle occasion de s’en separer, lui fit prendre un ton fort haut, lui disant qu’elle voyoit bien par qui ces faussetez lui étoient inspirées ; qu’elle étoit rebutée de se voir tous les jours accusée d’une chose dont elle étoit innocente ; qu’il n’avoit qu’à prendre des mesures pour une separation, & qu’elle ne pouvoit plus souffrir un homme, qui avoit toûjours conservé des liaisons particulieres avec la ade Brie, qui demeuroit dans leur maison, & qui n’en étoit point sortie depuis leur mariage. Les soins que l’on prit pour appaiser la Moliere furent inutiles ; elle conceut dès ce moment une aversion terrible pour son mary ; & lors qu’il se vouloit servir des privileges qui lui étoient dus par le mariage, elle le traittoit avec le dernier mepris. […] Cependant ce ne fut pas sans se faire une fort grande violence, que Moliere resolut de vivre avec elle dans cette indifference ; & si la raison lui faisoit regarder sa femme comme une personne, que sa conduite rendoit indigne des caresses d’un honnête homme, sa tendresse lui faisoit envisager la peine qu’il auroit de la voir sans se servir des privileges que donne le mariage. […] Il fait ensuite l’Histoire de son mariage ; & après quelques réflexions il ajoûte. […] Son mariage lui ôtoit & l’honneur, & le repos : il n’avoit pas même la consolation de haïr sa croix ; je veux dire la personne qui lui causoit tant de troubles.