« La galanterie n’est pas la seule science qu’on apprend à l’école de Moliere, on apprend aussi les maximes les plus ordinaires du libertinage contre les véritables sentimens de la religion, quoi qu’en veuillent dire les ennemis de la bigoterie ; et l’on peut assurer que son Tartuffe est une des moins dangereuses pour nous mener à l’irreligion, dont les semences sont répandues d’une manière si fine et si cachée dans la plupart de ses autres pièces, qu’on ose assurer qu’il est infiniment plus difficile de s’en défendre, que de celle où il joue pesle et mesle bigots et dévots le masque levé. » Il faut avouer néanmoins que celles qui jouent certaines professions et certaines passions peuvent être fort utiles. […] MmeDacier19 trouve qu’il avoit beaucoup de génie et des manières de Plaute et d’Aristophane. […] Quoi qu’il en soit, le succès de Moliere anima la jalousie des auteurs médiocres ; on disoit sur quelques-unes de ses pièces, que c’étoient des sujets empruntez, ce qui est vrai dans un sens ; mais il faut avouer que la manière dont il traitoit ses sujets avoit autant de grâce et de nouveauté que les sujets même qui étoient de son invention. […] Ce que Moliere fait dire à ces deux frères convient infiniment mieux, et leur dialogue est si bien accommodé à nos manières, qu’il n’y a pas lieu de soupçonner notre auteur d’avoir ni traduit, ni même imité Terence. […] Cet acteur avoit tous les talens imaginables pour le théâtre dont il a été la gloire dans son temps ; il avoit beaucoup de noblesse dans l’air et dans les manières ; il étoit fort aimé de toute la Cour, et particulièrement connu du feu Roy, de qui il avoit reçû plusieurs grâces, pour lui en son particulier, et pour la troupe en général.