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66. (1840) Le foyer du Théâtre-Français : Molière, Dancourt, I pp. 3-112

Une autre fois, le comédien avait l’honneur de parler au roi sur les intérêts de sa troupe, au moment où Sa Majesté sortait de la messe ; comme il marchait à reculons, et qu’un escalier se trouvait derrière lui, le roi eut la bonté de le retenir par le bras en lui disant : Prenez garde, Dancourt, vous allez tomber ! […] « Sire, " Les auteurs modernes et dramatiques, tant en vers qu’en prose, de votre bonne ville et faubourgs de Paris, remontrent très humblement à Votre Majesté qu’après avoir sacrifié leurs soins et leurs veilles aux plaisirs du public, leur zèle est tous les jours mal reconnu par certains quidams indiscrets, qui, de dessein prémédité, se transportent journellement aux lieux où les dits auteurs font représenter leurs ouvrages avec des apeaux à perdrix, des sifflets de chaudronniers et autres armes offensives, desquelles ils chargent sans miséricorde tout ce qui ose paraître d’acteurs sur le théâtre, avec tant de fureur, que le comédien le plus intrépide est souvent contraint de lâcher pied et de se retirer le cœur meurtri et tout percé de coups de sifflets. » Gabrillon Malpeste ! […] Je ne doute point, Sire, que les ennemis de la science représentent à Votre Majesté que nous exigeons d’elle une chose impossible ; c’est qu’il est naturel au parterre de siffler, comme à  nous de parler. Je n’ignore pas plus qu’eux, Sire, que Pline le naturaliste, dans son Traité des Animaux, au chapitre du mouvement vocal, dit que l’homme parle, que le » cerf brame, que le lion rugit, que le taureau beugle, que le cheval hennit, que l’âne brait et que le parterre siffle : je sais dire tout cela comme eux, Sire ; mais Votre Majesté fait tous les jours des choses si incroyables, que nous » osons espérer… etc. ».

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