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176. (1866) Petite comédie de la critique littéraire, ou Molière selon trois écoles philosophiques « Première partie. — L’école dogmatique — Chapitre premier. — Une leçon sur la comédie. Essai d’un élève de William Schlegel » pp. 25-96

Prosaïques par l’imitation de la vie réelle, elles le sont aussi par le but pratique, positif et moral qu’elles se proposent, et quand je lis les préfaces satisfaites de ces comédies utiles qui ne sont que des tableaux de la vie domestique où s’inscrivent çà et là de solides préceptes, pareils à celui qu’Harpagon voulait faire graver sur sa cheminée en lettres d’or, je crois entendre Euripide s’écriant dans les Grenouilles d’Aristophane : Grâce à moi, grâce à la logique De mes drames judicieux, Et surtout à l’esprit pratique De mes héros sentencieux, Le bourgeois plus moral, plus sage, Apprend à mener sa maison ; Car il rencontre à chaque page Des maximes pour sa raison Et des conseils pour son ménage44 ! […] Dans Le Misanthrope, c’est Philinte qui prêche Alceste, et dans le Tartuffe, c’est Cléante qui prêche tout le monde : les dévots et les libertins, les hypocrites et les dupes, Orgon qui chérit Tartuffe plus que frères, enfants, mère, femme et lui-même, Tartuffe qui fait chasser Damis de la maison, et Damis qui veut lui couper les deux oreilles. […] Les mets sont épars dans nos plaines, Les vins les plus exquis coulent de nos fontaines ; Les fruits naissent confits dans toutes les saisons ; Les chevaux tout sellés entrent dans les maisons ; Le pigeonneau farci, l’alouette rôtie Nous tombent ici-bas du ciel comme la pluie107. […] Les personnages sensés de la pièce, le maître de la maison et son frère, la fille et son amant, et jusqu’à une servante qui ne sait pas le français, tous cherchent à se faire honneur de ce qu’ils ne sont pas, de ce qu’ils n’ont pas et de ce qu’ils ne savent pas, comme de tout ce qu’ils cherchent à ne pas être, à ne pas avoir et à ne pas savoir.

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