Et comme les Athéniens recommandaient à leurs femmes, afin qu’elles procréassent de beaux enfans, d’orner leurs maisons avec les statues des gladiateurs et des héros, de même on pourrait conseiller aux matrones de notre temps de placer dans leurs alcôves le portrait de Molière. […] Il avait la main ouverte et prêtait facilement de grosses ou de petites sommes aux débiteurs les plus variés, gros personnages, amis, petites gens : l’inventaire dressé après sa mort énumère parmi eux Lulli pour 11, 000 livres ; Mlle de Brie, pour 830 ; Jean Ribou, son libraire, pour 700 ; Beauval et sa femme, pour 110 ; la Ravigote, jardinière de sa maison d’Auteuil, pour autant, etc. […] En dépit de la résolution qui lui fit quitter la maison paternelle pour embrasser la plus aventureuse des carrières, en dépit du mariage qu’il contracta par amour, — ce sont là crises de vocation ou de passion très conciliâmes avec le jugement le plus net, — l’ensemble de sa carrière révèle beaucoup de bon sens uni à beaucoup d’habileté. […] Un renseignement donné par de Visé montre qu’il aimait à recevoir et qu’il recevait bien : s’il acceptait volontiers à dîner chez les gens du bel air pour les observer à loisir, « il rendait tous les repas qu’il recevait. » Traiter des grands seigneurs lui eût été impossible sans un train de maison luxueux ; il avait donc mis la sienne sur un grand pied, grâce aux profits de son théâtre. […] IV Car il était triste, d’une tristesse silencieuse, assez étonnante au premier abord chez un homme dont le métier était de faire rire, et qui frappait d’autant plus ses contemporains.Sauf le souper à la Croix-de-Lorraine, aucune des nombreuses anecdotes dont il est l’objet ne le laissent voir franchement gai ; il recherchait la solitude, et, dès qu’il avait un peu de loisir, il se retirait dans sa maison d’Auteuil.