Molière ne s’est senti tout entier lui-même, il ne s’est senti bien à l’aise, bien au large, que dans les farces poussées aux dernières limites de l’extravagance et de la grossièreté sans loi. […] Je ne veux pas discuter ici la loi sur la propriété littéraire, je sortirais du domaine qui m’est attribué ; je reste convaincu que s’il y avait eu dans l’ancienne France, sur la propriété littéraire, une jurisprudence analogue à celle qui existe aujourd’hui, il y a dix chefs-d’œuvre dans notre langue que nous n’aurions pas. […] Elle est peut-être exagérée, mais, quoi qu’il en soit, quand je me rappelle une certaine loi sur l’aliénation mentale, en vertu de laquelle tout le monde peut être enfermé sur la consultation d’un médecin, je m’étonne que les adversaires de cette loi, au lieu de la discuter à l’aide d’arguments très solides et très passionnés, n’aient pas plutôt reproduit cette admirable scène de M. de Pourceaugnac. […] On a beau faire des lois pour fonder l’autorité paternelle excessive, ou pour protéger la femme et les enfants, toutes les lois du monde ne sauraient empêcher qu’à l’état d’exception se produisent, dans la vie privée, dans cette vie qui est et qui doit être murée, des luttes, des révolutions intestines, des usurpations de pouvoir, que l’audace entreprend, que la ruse accomplit sans combattre, et que la faiblesse tolère. […] ——— Le peuple français est le peuple de l’Europe qui a toujours cherché à mettre le plus de démocratie dans ses lois et qui se soucie encore le moins d’en introduire dans ses mœurs.