Il y avait toute une société éperdue qui appelait vainement les lois à son aide ; il y avait tous les délires des sens, de la tête et du cœur. […] Ils étaient venus au théâtre tout exprès pour y voir une statue qui causait, qui riait, qui buvait, qui mangeait, qui s’abîmait dans les flammes, et voici qu’on leur montrait le Don Juan foulant d’un pied sacrilège, toutes les lois divines et humaines ! […] C’est ainsi que d’un chêne centenaire, l’honneur des forêts, les fabricants d’allumettes vous fabriquent toutes sortes de petits morceaux de bois soufrés qui jetteront, chacun de son côté, sa petite lueur d’un instant. — Non, certes, toute la traduction de Thomas Corneille, ce n’est plus là le Don Juan amoureux, intrépide, grand seigneur, foulant d’un pied hardi et dédaigneux toutes les lois divines et humaines ; non, certes, ce n’est plus le hardi sceptique qui brise l’autel du dieu, ne pouvant pas renverser le trône du roi. […] Le poète a poussé si loin l’enquête de ces crimes, de ce vice et de ce libertinage, il a chargé son héros de tant d’injustices, qu’à défaut de la loi qui se tait, il faut bien invoquer le juge d’en-haut. […] Don Juan, c’est le monde tel qu’il était ; c’est le grand seigneur au-dessus des lois humaines et divines, qui se dit à lui-même : Dieu y regardera à deux fois avant de damner un homme de ma sorte !