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90. (1802) Études sur Molière pp. -355

L’auteur de la comédie des Philosophes et du poème de la Dunciade, dit, dans ses mémoires littéraires : « Molière abusa un peu de la vengeance. » L’auteur de L’Écossaise donne à L’Impromptu de Versailles le nom de satire outrée et cruelle ; il ajoute : « Boursault y est nommé par son nom, la licence de l’ancienne comédie grecque n’allait pas plus loin ; il eût été de la bienséance et de l’honnêteté publique de supprimer la satire de Boursault et celle de Molière. » Nous répondrons : si Devisé, Boursault, et tous ceux que Molière a sacrifiés à la risée publique, n’ont pas été les premiers à l’attaquer, point de doute qu’il ne faille le blâmer ; mais point de doute, si ces messieurs lui ont porté les premiers coups, qu’il ne faille le louer d’en avoir fait un exemple : on crie haro sur un misérable que la faim force à vous enlever votre bourse, et par une délicatesse mal entendue, on ne tomberait pas à bras raccourci sur ces lâches, qui, guidés par le plus vil des sentiments, par la jalousie, cherchent à ravir à un auteur ses trésors les plus précieux, l’honneur, la gloire et l’estime publique ? […] Répétons encore une fois, et pour la dernière, que si la plupart des pièces commandées à notre auteur n’ont pas contribué à sa gloire littéraire, elles font du moins l’éloge de son cœur reconnaissant, mais sensible aux bienfaits ; il ne l’était pas moins aux railleries. […] Il s’était chargé du rôle de dom Pèdre, et sa poitrine, déjà très affaiblie, le contraignit non seulement à mettre cet intervalle entre la représentation de la cour et celle de la ville, mais encore à se condamner au lait, pour toute nourriture : ce régime avait, disait-il, son agrément ; il le dispensait de se mêler dans les disputes littéraires que Despréaux, Chapelle, et le célèbre avocat Forcroy, ne cessaient d’avoir durant tous leurs soupers. […] La comédie du Tartuffe fut jouée à Chantilly, chez le grand Condé, le 2 septembre 1668 ; six mois après, Louis XIV accorda une nouvelle pension littéraire à son protégé, et permit définitivement que Paris pût jouir du chef-d’œuvre des chefs-d’œuvre. […] Non ; mais il dénonça l’apôtre du faux goût, il pulvérisa le pédant, le froid prosateur, l’insipide faiseur de madrigaux galants ; il démasqua le charlatan qui, s’entourant de protecteurs, usurpait tontes les récompenses littéraires ; il punit l’ennemi de tous les hommes de mérite ; enfin, il détrôna le tyran de la république des lettres.

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