« Molière, dit Boileau, lui lisoit quelquefois ses comédies, et assuroit que, lorsque des endroits de plaisanterie ne l’avoient point frappée, il les corrigeoit, parce qu’il avoit plusieurs fois éprouvé, sur son théâtre, que ces endroits n’y réussissoient point ; » et Brossette ajoute qu’elle avait assez de sens littéraire pour ne pas confondre du Brécourt avec du Molière. […] Je viens, pour un simple lettré, de « toucher une étrange matière. » Les aliénistes reconnaissent eux-mêmes, et nous prouvent à l’occasion, qu’il est souvent malaisé de constater sur un vivant certains états d’esprit ; à plus forte raison est-il dangereux à un profane, sans autres moyens d’information que des rapprochemens littéraires et un pamphlet, de mener à bien pareille enquête sur un homme mort depuis plus de deux siècles. […] » Molière fit donc pour son jeu ce qu’il faisait pour ses pièces ; prenant son bien où il le trouvait, et l’on s’explique, pour les deux côtés de son génie, la comédie écrite et la comédie jouée, que la jalousie, promptement éveillée par ses débuts, s’écriât : « On ne peut pas dire qu’il soit une source vive, mais un bassin qui reçoit ses eaux d’ailleurs. » Bonne fortune singulière pour le théâtre d’une nation, au moment où, par l’entier développement de ses forces vives et l’équilibre de toutes ses qualités, elle arrivait à son apogée littéraire et social, il se trouvait un grand comédien pour recueillir ce que toute une lignée de « farceurs » nationaux et étrangers avait imaginé de plus excellent, le fixer, le faire sien, et, créant lui-même une tradition, le faire entrer définitivement dans le patrimoine dramatique de notre pays. […] L’intérêt de cette recherche est surtout littéraire. […] Ce fut seulement vers la fin de sa carrière que, pris d’impatience, à la longue, en se voyant défigurer, et, peut-être, par un regard jeté en arrière sur son œuvre accumulée, consentant, lui aussi, à en admettre la valeur littéraire, il voulut la corriger et la fixer.