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21. (1772) De l’art de la comédie. Livre troisième. De l’imitation (1re éd.) [graphies originales] « CHAPITRE PREMIER. » pp. 5-19

Le Turc remet la lettre d’avis & le pouvoir qu’on lui a donné pour acheter l’esclave : Scapin lui dit qu’elle est à une maison de campagne, exhorte le Turc à l’aller joindre, &, après s’être déguisé, va lui-même avec la lettre d’avis retirer Turqueta, au moment où Gélio vient empêcher Arlequin de la livrer, en disant que ce Turc peut être un frippon. […] Il donna cette lettre au filou, avec de l’argent pour faire son voyage, & pour la peine qu’il avoit eue de lui apporter une si bonne nouvelle, quoiqu’il lui témoignât beaucoup plus de regret de la mort d’un si bon frere, que de sa bonne succession. […] Afin de venir à bout de ce dessein, il fit faire une lettre au nom de la femme de Charles d’Estampes, lui donnant avis de l’affliction qui lui étoit arrivée d’avoir perdu un bon mari, & lui un si bon frere, disant que son mari avoit laissé quelques legs par son testament, dont il le faisoit exécuteur, & tuteur de ses enfants, le priant de venir en diligence à Paris pour donner ordre à leurs affaires, lui faisant des excuses de ce que cette lettre n’étoit pas écrite de sa main. Avec cette lettre il arrive à Chartres ; il la présente à Philippe d’Estampes, qui fut bien marri d’apprendre une si mauvaise nouvelle ; &, sachant que cet homme étoit venu exprès de Paris, envoyé par sa belle-sœur, il lui fit faire bonne chere, lui disant qu’il s’en retournât le lendemain au matin avertir sa belle-sœur qu’il s’alloit faire habiller de deuil, & que dans deux jours il l’iroit trouver, & lui donna un mot de lettre. Mais le filou, qui ne s’endormit point la nuit, crocheta un petit cabinet, dans lequel il prit une petite boîte où il y avoit quelques bagues & quelques perles ; de sorte qu’il fit mieux ses affaires à Chartres qu’il n’avoit fait à Paris : & dès le lendemain de grand matin, il part, feignant d’aller porter la lettre.

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