La passion du bel esprit, ou plûtôt l’abus qu’on en fait, espéce de maladie contagieuse, étoit alors à la mode ; le stile empoulé & guindé des romans, que les femmes admiroient par les mêmes côtés, qui depuis ont décrédité ces ouvrages, avoit passé dans les conversations ; enfin le vice d’affectation répandu dans le langage, & même dans les pensées, s’étendoit jusques dans la parure, & dans le commerce de la vie ordinaire. […] Il sçut, par le tableau de ce qui se passa dans les cercles de Paris, tandis que l’école des femmes en faisoit l’entretien, tracer une image fidéle d’une des parties de la vie civile, en copiant le langage & le caractére des conversations ordinaires des personnes du monde. […] La premiére scéne est aussi heureuse que neuve, aussi simple que vive ; au lieu de ces confidences que l’on y employe si ordinairement, une vieille grand’mere scandalisée de ce qu’elle a pû voir de peu séant chez sa belle fille, sort en donnant à ceux qui composent cette maison, des leçons aigres qui les caractérisent tous ; car on distingue le vray jusques dans le langage de la prévention. […] Semblable au peintre habile, qui, toujours attentif à remarquer, dans les expressions extérieures des passions, les mouvemens & les attitudes qui les caractérisent, rapporte à son art toutes ses observations ; Moliere, pour nous donner sur la scéne un tableau fidéle de la vie civile, dont le théatre est l’image, étudioit avec soin le geste, le ton, le langage de tous les sentimens dont l’homme est susceptible dans toutes les conditions.