C’est un trait de son génie de savoir garder la mesure, et l’une des consolations qu’on éprouve en le lisant, c’est la beauté de ces caractères, fermes entre les excès, et conservant dans leur langage et dans leur conduite l’aimable modération de la vertu. […] Le langage d’Henriette est franc, parce qu’elle ne soupçonne point de mal dans une action qu’elle voit faire à tant de monde ; celui d’Armande est plein d’images impures, parce qu’elle a sali sa pensée en la traînant sur des détails auxquels Henriette n’a pas songé. […] Au lieu de perdre courage et de se lamenter, elle va trouver elle-même Trissotin ; elle essaye de lui faire entendre le langage de l’honneur et de la raison ; puis, le trouvant obstiné à épouser sa dot, elle va jusqu’à lui faire craindre les accidents que peut entraîner la violence faite à une fille que l’on épouse malgré elle. […] Mais rappelez-vous la franchise habituelle de son caractère, l’espèce de solitude que les dédains de sa sœur et de sa mère ont faite autour d’elle, l’expérience précoce qu’elle y a acquise, l’extrême péril que court son bonheur, et enfin le langage du temps, moins réservé dans les termes, sans que peut-être le fond fût plus corrompu.