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3. (1821) Notices des œuvres de Molière (VI) : Le Tartuffe ; Amphitryon pp. 191-366

Il en prit occasion de représenter au roi qu’il était plus juste que jamais de lui permettre de faire jouer Le Tartuffe, puisqu’il n’avait que ce moyen de prouver au public l’innocence d’un ouvrage si odieusement calomnié par ses ennemis. […] Mais cette distinction, si belle et si juste en théorie, est-il toujours facile d’en faire une exacte application ? […] À la vérité, on trouve dans Horace cette peinture d’un faux dévot de l’ancienne Rome : « Cet homme vertueux sur qui tous les yeux sont attachés, soit dans les places publiques, soit dans les tribunaux, toutes les fois qu’il apaise les dieux par le sacrifice d’un porc ou d’un bœuf, ne manque pas d’élever la voix en invoquant Apollon ou Janus ; puis, marmottant tout bas en homme qui craint d’être entendu : Belle Laverne, dit-il, accordez-moi la grâce de duper tous les yeux, de passer pour un homme juste, irréprochable ; enveloppez mes fraudes d’une nuit profonde, couvrez mes fourberies d’un nuage favorable. » À ces traits, il est difficile de méconnaître l’hypocrisie religieuse, l’hypocrisie de dévotion. […] Finissons par une remarque qui achève de prouver, contre l’opinion de La Bruyère, quelle idée juste Molière s’est formée du personnage d’hypocrite, et en même temps quel art il a employé dans la peinture de ce caractère. […] Madame Dacier est la seule qui n’en soit pas convenue ; mais pouvait-on exiger qu’elle fût juste envers un moderne qui avait eu l’audace de lutte contre un ancien, surtout quand cet ancien avait été traduit et commenté par elle5 ?

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