Pour ouvrir la porte au comique, il faudrait que je cessasse de prendre au sérieux mon sujet, et que mon imagination se jouât librement des critiques et des théories de mon auteur… Cela serait fort mal, et je déclare que je ne voudrais égayer personne à ce prix. […] Elle rit de tout, et ne s’intéresse à rien ; elle touche à toutes les idées de la raison, et n’en épouse aucune ; elle joue avec toutes les passions de la nature humaine, et reste indépendante en face d’elles ; elle voltige d’objet en objet dans le monde réel et dans tous les mondes imaginaires, sans se poser plus d’un instant sur chaque fleur. […] En effet, la parabase, ce morceau étranger à la pièce, avait beau être sérieux en lui-même, il montrait que le poète ne prenait pas au sérieux la forme dramatique27 ; et les chœurs, tout sublimes qu’ils étaient, et précisément parce qu’ils étaient sublimes, faisaient voir avec quelle liberté il se jouait même de la comédie, en déployant tout à coup les magnificences de la poésie lyrique au sein du grotesque le plus bas. […] Que si enfin, animé par une veine heureuse de folie, le poète comique se joue de ses propres inventions, les exagérant à dessein et transformant ses portraits en caricatures, alors il s’élève jusqu’à la farce, et les critiques en chœur s’écrient qu’il dégrade et avilit son talent, qu’il écrit pour la foule, et que Dans ce sac ridicule où Scapin s’enveloppe On ne reconnaît plus fauteur du Misanthrope. […] Si les critiques français ne se montraient pas indifférents ou même contraires à tous les élans de la véritable imagination, ils ne dédaigneraient pas une petite pièce dont l’exécution est aussi soignée que celle d’une comédie régulière, par cette seule raison que le merveilleux y joue un grand rôle et y occupe la première place.