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177. (1772) De l’art de la comédie. Livre troisième. De l’imitation (1re éd.) [graphies originales] « CHAPITRE XXV. » pp. 500-533

Arlequin est embarrassé ; il imagine de dire à Pantalon que pour l’amuser il va exécuter avec son écoliere une scene d’un opéra bouffon qu’on doit jouer dans peu. […] Ce qui peut avoir donné lieu à cette opinion, est une scene jouée à la Foire, dans laquelle on reçoit un Comédien, en lui mettant sur la tête un bonnet orné de deux oreilles, qui lui donne le pouvoir de chanter, de danser, & d’ennuyer impunément la Ville & le Fauxbourg ; mais elle est au contraire faite d’après celle de Moliere, & la copie est très inférieure à l’original. […] voir jouer une scene sur le Théâtre Italien, la lire dans un Auteur Espagnol, la voir en action dans la société, ou l’entendre narrer par quelqu’un qui pese sur les circonstances & les détails, n’est-ce pas de même à peu de chose près ? […] Les uns ne savent que copier ses détails les plus minutieux ; les autres ne la voient qu’en grand, ou montée sur des échasses : ceux-ci ne savent peindre que ses caprices & les monstres qu’elle enfante ; ceux-là ne la saisissent dans aucune de ses parties, ou ne peignent que les plus opposées au genre qu’ils ont pris ; tels sont les peintres, qui donnent un beau teint à Mars & des traits mâles à Vénus ; les comédiens qui jouent le rôle d’Achille avec les minauderies d’un fat, ou les emportements d’un petit-maître ; & le rôle d’un amant aimable avec les contorsions d’un démoniaque ; les poëtes tragiques qui font rire, & les comiques qui font pleurer.

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