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53. (1852) Légendes françaises : Molière pp. 6-180

Il fallait, avant que d’arriver à ce retour de jeunesse, à cette création pure et sereine du rôle d’Henriette, traverser six années encore de souffrance. […] Baron était si sémillant de jeunesse, il avait tant de charmes que Molière bientôt écrira pour lui, dans Pysché, le rôle de l’Amour. […] Je ne sais ; pourtant, qu’il dut se plaire au souvenir de ce temps où, comédien ambulant, pauvre, ignoré encore, mais riche d’espoir, de jeunesse et d’amour, il courait la province de ville en ville et de châteaux en châteaux, écrivant l’Étourdi, le Dépit, élevant avec tendresse sa petite Béjart, et recevant, sous le manteau de Mascarille, ses premiers, et partant ses meilleurs applaudissements. Il voulut revoir ce rôle de sa jeunesse, il voulut le rejouer; mais combien, j’imagine, cela lui paraissait faible et le satisfaisait peu maintenant ! […] Pour complaire à sa femme, « pour rendre leur union plus parfaite, dit Grimarest, il quitta l’usage du lait qu’il n’avait point discontinué jusqu’alors, et il se remit à la viande. » Sa femme revenue à lui, il écrivit pour elle, dans ce dernier retour de jeunesse, la plus achevée, la plus délicieuse de toute ses créations féminines, le rôle d’Henriette, dans les Femmes savantes.

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