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15. (1867) La morale de Molière « CHAPITRE IV. Jugement sur les Hommes de Molière. » pp. 65-82

Oui, ils sont beaux ; mais ils ne sont point là spécialement pour instruire ; ils s’y trouvent seulement au nom de l’art et du génie ; ils font partie de la matière humaine remuée et transformée par ce hardi créateur ; ils ajoutent à l’intérêt, à l’émotion, au charme victorieux qui domine la foule enivrée. […] Que tout cela soit fort réjouissant, nul n’en disconvient ; mais n’est-il pas funeste pour la morale de forcer, pendant deux heures, l’honnête spectateur à trouver plein de grâce et d’intérêt le plus insigne des voleurs et des fourbes ? […] 240 Mais il importe d’insister sur l’immoralité d’un spectacle où l’intérêt, le charme, la passion sont sans cesse inspirés par des hommes indignes, chez qui l’auteur fait survivre des qualités d’esprit et de cœur inconciliables avec la bassesse de leurs actions, en sorte qu’on leur pardonne leur vice en faveur de leur grâce, de leur sensibilité, de ce reste d’honneur qui leur a été artistement laissé ; elle gai spectacle de leurs succès finit par insinuer doucement au spectateur séduit, que le vice, après tout, n’est pas si noir qu’on le fait. […] Un pareil contraste peut ajouter à l’intérêt, à l’émotion ; mais c’est un mensonge moral. […] — « Le personnage de Sganarelle est trop souvent invraisemblable pour offrir toujours de l’intérêt, trop souvent bouffon pour être toujours comique.

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