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73. (1853) Histoire de la littérature dramatique. Tome II « Chapitre premier. Ce que devient l’esprit mal dépensé » pp. 1-92

Je me le représente, en effet, la taille élégante, le visage beau et inspiré, l’œil noir et calme, la jambe belle, la bouche grande et bien meublée, la lèvre ombragée, intelligente ; la voix sonore et grave : il arrive sur le bord de la rampe, et il annonce lui-même ce grand malheur qui l’accablait. […] Toute comédie veut inspirer le plaisir d’aimer ; on en regarde les personnages, non pas comme épouseurs, mais comme amants, et c’est amant qu’on veut être, sans songer à ce qu’on pourra devenir après. » Nulle part et par personne la comédie n’a été mieux définie et mieux comprise que par Bossuet ; Bossuet a raison, l’amour toujours l’amour, rien que l’amour, voilà la seule puissance au théâtre. […] Certes elle ne songea pas à prolonger, comme si elle eût été un talent inspiré, cette lutte abominable du comédien contre le public. […] Dans la pièce de Beaumarchais, je commençais à m’attacher au comte Almaviva, enveloppé dans un manteau et passant la nuit à la belle étoile ; mais aussitôt que je vois arriver ce boulet de canon qu’on appelle Figaro, ce bel esprit qui ne doute de rien, aussitôt, l’intérêt que m’inspirait cet inconnu livré à lui-même, s’efface et disparaît devant le grand seigneur servi avec tant de zèle, de dévouement et de fracas. […] Quoi qu’on puisse dire, la plus grande ambition des femmes est, croyez-moi, d’inspirer de l’amour. » Comparez donc ce dialogue avec le dialogue de Bartholo et de Rosine. — « Bartholo : Je vous parie que Figaro était chargé de vous remettre une lettre ?

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