Ce sont là de ces traits où l’art seul ne peut rien, si l’on n’est inspiré par le génie et guidé par le bon goût. […] Ces deux personnes parlent quelque temps des sentiments de leurs cœurs, et sont interrompues par le Misanthrope même, qui paraît furieux et jaloux : et l’auditeur se persuade aisément, par ce qu’il a vu dans l’autre acte, que la prude avec qui l’on l’a vu sortir lui a inspiré ces sentiments ; le dépit lui fait faire ce que tous les hommes feraient en sa place de quelque humeur qu’ils fussent ; il offre son cœur à la belle parente de sa maîtresse ; mais elle lui fait voir que ce n’est que le dépit qui le fait parler, et qu’une coupable aimée est bientôt innocente. […] Pour le Misanthrope il doit inspirer à tous ses semblables le désir de se corriger. […] On censure dans Cléante, fils d’Harpagon, le peu de respect qu’il a pour son père ; on trouve qu’en cela les mœurs et les bienséances sont trop blessées ; on ajoute que si le théâtre n’est pas fait pour inspirer la vertu, on ne doit pas du moins en faire une école du vice ; et qu’un pareil caractère pourrait diminuer, dans un fils qui verrait la représentation de L’Avare, les sentiments de respect qu’il doit à son père. […] Le vice qu’il s’est proposé de combattre, c’est l’avarice ; dans ce dessein, il a employé les traits les plus forts, soit pour en préserver le spectateur, soit pour l’en corriger ; et pour augmenter l’horreur qu’il voulait inspirer, il a joint l’usure à l’avarice, comme une dépendance de ce caractère.