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137. (1853) Histoire de la littérature dramatique. Tome II « Chapitre V. Comment finissent les comédiennes » pp. 216-393

En sa qualité de majesté détrônée, Nicolas Joubert inspirait de vives sympathies. […] L’Andrienne appartient à Scipion, comme Cinna appartient au cardinal de Richelieu, comme Britannicus appartient à Louis XIV, et la tragédie d’Esther à madame de Maintenon ; par l’honneur des couronnes il faut croire que les grands poètes sont inspirés, par les intelligences toutes-puissantes qui marchent devant eux. […] Et tout d’un coup ces sont des roses qui tombent de ses lèvres bien inspirées, roda eirein , un mot de sa poésie que lui eût envié Anacréon lui-même. […] Lui, cependant, machinalement, il s’assied au coin de la cheminée froide et sombre, sa femme lui donne sa robe de chambre ; et, quand elle a tout remis en ordre, elle revient s’asseoir sur le tabouret accoutumé ; elle place sa tête sur les genoux de cet homme qu’elle aime et qui lui inspire une si grande pitié, pour le regarder de plus près et pour le réchauffer. […] En ce temps-là, messieurs les comédiens ne s’imaginaient pas qu’ils exerçaient la plus difficile des professions ; ils s’estimaient heureux de gagner leur vie à si bon compte ; ils ne mettaient pas à ce métier-là plus d’importance que la chose ne vaut ; ils se donnaient pour ce qu’ils valaient : celui-ci pour un grand paresseux qui n’avait pas osé aborder les occupations sérieuses de la vie ; celle-là pour une fille vaniteuse et coquette qui faisait bon marché de la vertu ; tous enfin pour de bons vivants, très contents de vivre, en faisant rire ou pleurer leurs semblables, au gré des poètes qui les inspiraient.

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