Il ne s’agit plus du Philinte de Molière, mais d’un Philinte que Rousseau rêve et du Philinte d’une comédie que Rousseau imagine, et par conséquent ce n’est plus de la critique proprement dite et nous pourrions ne nous point occuper de ce passage de Rousseau. […] Oui ; car comme on rit du mystifié en proportion de sa bêtise, et c’est-à-dire en proportion de la grossièreté du piège tendu, on ne peut avoir ni sympathie ni approbation, même intellectuelle, pour celui qui imagine des tromperies si épaisses, et plus le trompé est ridicule, plus le trompeur est méprisé. […] Et plus il était pessimiste à interpréter la réalité qui était sous ses yeux, plus il était optimiste quand il imaginait une réalité, quand il inventait un monde. […] Et de même qu’on pourrait se plaire aux actes du héros fantastique dont je parlais tout à l’heure, mais seulement d’un plaisir d’imagination amusée et sans songer ni à approuver ni à désapprouver, de même avec les Géronte et les Scapin on s’amuse par la partie fantaisiste de l’esprit, par le goût de l’imprévu drôle ou de l’énormité burlesque, sans songer qu’on ait affaire à des hommes, en dehors de toute appréciation, sans imaginer même qu’il puisse y avoir place à l’approbation ou au blâme. […] Un de mes collègues me montrait une dissertation de licence où il était dit qu’ « Andromaque était la femme la plus ridicule, et jusqu’à en approcher du burlesque, que jamais auteur eût imaginée ».