Si nous voulons savoir ce que vaut ce goût qu’il vante sans nous le faire connaître, nous n’avons qu’à le voir à l’œuvre dans les livres qu’il aime, dans toute cette critique littéraire au petit pied qui ne se targue pas de philosophie, n’apporte ni méthode originale, ni théories nouvelles, et n’a d’autre ambition que d’être le développement bien écrit du sentiment de tous les honnêtes gens sur les auteurs illustres. […] Il est permis au public d’un théâtre de s’abstenir, lorsque l’affiche annonce pour le soir la représentation d’une pièce totalement étrangère à ses mœurs, à ses sentiments, à ses idées, bien qu’il ne lui fût pas permis de siffler cette pièce, si elle était signée d’un nom illustre, et s’appelait Guillaume Tell, Hamlet, Faust, Iphigénie en Aulide ou Le Misanthrope. […] Croit-on que sans l’autorisation, sans l’ordre exprès du roi qui l’appuyait, il eût prononcé impunément une phrase comme celle-ci : Le marquis aujourd’hui est le plaisant de la comédie ; et comme dans toutes les comédies anciennes, on voit toujours un valet bouffon qui fait rire les auditeurs, de même dans toutes nos pièces de maintenant, il faut toujours un marquis ridicule qui divertisse la compagnie 426.« Je tremble pour cet auteur, écrivait de Villiers, lorsque je lui entends dire en plein théâtre que ces illustres doivent, à la comédie, prendre la place des valets427. » Il pouvait trembler, — sans Louis XIV. […] « C’est une sincérité et une honnêteté de l’ancienne chevalerie », écrivait madame de Sévigné446, et voici le portrait passablement flatté qu’en 1651 mademoiselle de Scudéry traçait du héros sous le nom de Mégabate : « On voyait tous les jours, en ce temps-là, au palais de Cléomire, un homme de très grande qualité, appelé Mégabate, gouverneur d’une province de Phénicie447, et dont le rare mérite est bien digne d’être connu de l’illustre Cyrus qui m’écoute… Quoique d’un naturel fort violent, Mégabate est souverainement équitable, et je suis fortement persuadé qu’il n’y a rien qui lui pût faire faire une chose qu’il croirait choquer la justice… Il ne donne pas son amitié légèrement, mais ceux à qui il la donne doivent être assurés qu’elle est sincère, qu’elle est fidèle et qu’elle est ardente.