Il l’avait presque associé à son succès ; c’est à Louis XIV qu’appartient la première idée de la grande scène d’Orgon et de Dorine, et le poète ne manqua pas de le dire aux flatteurs empressés de le répéter. […] Si l’on se reporte à un temps où les pratiques superstitieuses exerçaient tant d’empire sur les imaginations, à un temps où les traditions de la Ligue étaient si rapprochées, et où les saines idées philosophiques, concentrées dans les hautes capacités intellectuelles, n’étaient pas encore descendues jusqu’aux classes moyennes de la société, qui nous dit que Louis XIV lui-même, malgré l’éclatante protection qu’il accordait à Molière, n’eût pas cédé comme le premier président aux clameurs des dévots ? […] Pour donner une idée de la sévérité des mœurs de cette indigne cabale qui accusait le poète comique d’insulter à la religion, il n’est peut-être pas hors de propos de citer quelques passages de cette scène ; j’aurai soin de choisir je ne dis pas les plus décents, mais ceux qui sont le moins capables d’alarmer la pudeur. […] Signorelli, savant auteur d’une Histoire générale des théâtres, imprimée à Naples il y a une trentaine d’années, prétend que Molière a pris la première idée de son imposteur dans L’Hypocrite de l’Arétin, et dans Le Bernagasse. […] C’est avec autant de raison qu’on a reproché à Molière d’en avoir pris l’idée dans une autre comédie italienne intitulée Il Dottor Bacchetone.