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141. (1881) La philosophie de Molière (Revue des deux mondes) pp. 323-362

Dans ce sermon dont on ne sait pas exactement la date, mais qui ne doit pas être très éloignée de la représentation publique de Tartuffe, c’est-à-dire dans les environs de 1669, Bourdaloue a pris pour sujet l’hypocrisie ; mais avec une habileté qui témoigne qu’il appartient bien à son ordre, au lieu de prendre à partie, comme on s’y attendait, l’hypocrisie elle-même, il trouva moyen de parler contre ceux qui l’attaquent : « Au lieu d’employer mon zèle, dit-il, à combattre l’hypocrisie, j’entreprends de combattre ceux qui raisonnent sur le sujet de l’hypocrisie, ou en tirent de malignes conséquences, ou en reçoivent de fausses impressions, ou s’en forment de fausses idées au préjudice de la vraie piété. » Développant ces trois idées, Bourdaloue distingue trois sortes de personnes dans le christianisme : « les mondains et les libertins », qui en sont les ennemis déclarés ; « les chrétiens lâches », qui ont peur de professer leur foi ; et « les ignorants et les simples », qui se laissent séduire. […] Paul Mesnard, on ne voit pas que l’athéisme ou l’incrédulité jouent un grand rôle : on n’en cite pas un seul trait qui relève de cette idée. […] C’est donc Molière qui a conçu l’idée d’un grand seigneur systématiquement impie, bravant le ciel et la terre et niant ouvertement sur la scène l’existence de Dieu. […] Dans les fausses idées de dignité du xviie  siècle, on croyait que c’était rabaisser Dieu que de le faire défendre par un valet. […] Mais la vertu d’Alceste n’a nullement ce caractère ; et lorsque récemment, sous prétexte de dévoiler le secret d’Alceste, on a eu l’idée d’y voir la peinture du jansénisme, on s’est trompé du tout au tout, et on a détruit précisément toute la philosophie de la pièce.

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