Si l’ouvrage peint l’homme de toutes les nations, on le traduit dans toutes les langues ; il franchit ainsi les bornes du royaume & porte le nom de l’Auteur avec lui : s’il ne peint qu’un François, un Italien, un Espagnol, il sera seulement connu en France, en Italie, en Espagne, & le nom de l’Auteur ne s’étendra pas plus loin, à moins qu’il ne doive cet honneur à quelque autre piece. […] Il ne s’ensuit pas de ce que j’ai dit, qu’il vaille mieux avoir fait le Malade imaginaire que les Femmes savantes ; mais je soutiens que si l’Auteur s’étoit donné autant de soins pour la premiere de ces pieces que pour la derniere, elle lui auroit fait plus d’honneur, & qu’à mérite égal le choix du sujet lui auroit valu la préférence. […] J’exhorte les Auteurs, lorsqu’ils ne trouveront pas des caracteres propres à toutes les nations par le fond & les nuances, à s’emparer bien vîte de ceux qui le sont par le fond seulement : on ne traduira pas leur ouvrage, mais on leur fera l’honneur de l’imiter ; c’est beaucoup.