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149. (1863) Histoire de la vie et des ouvrages de Molière pp. -252

Ses deux premières pièces, après avoir charmé la province, étaient venues faire les délices de Paris ; les Précieuses ridicules avaient jeté 1’alarme dans le camp de l’hôtel Rambouillet ; Le Cocu imaginaire avait transporté de fureur l’honnête bourgeois dont nous avons parlé et un grand nombre d’autres, ses compagnons d’infortune ; on avait attribué par envie le succès de ses derniers ouvrages au mérite dont Molière avait fait preuve en en remplissant les principaux rôles : de là grande jalousie de la part des comédiens de l’hôtel de Bourgogne, puissamment protégés, et qui, tout en joignant leurs voix au chorus d’improbation contre les pièces, auraient bien voulu qu’on portât le même jugement sur le talent de l’acteur, auquel ils gardaient d’ailleurs rancune pour certaine épigramme des Précieuses : beaux esprits, femmes savantes, maris trompés, acteurs en vogue, tous conspiraient contre l’auteur. […] La somme était honnête, mais la condition déplut à mademoiselle de La Vallière. […] Le besoin des amusements, l’impuissance de s’en procurer d’agréables et d’honnêtes dans les temps d’ignorance et de mauvais goût, avait fait imaginer ce triste plaisir, qui dégrade l’esprit humain. […] Dans ses Maximes et réflexions sur la comédie, l’orateur chrétien, réfutant l’opinion de ceux qui regardent les comédies comme innocentes, s’écrie avec colère : « Il faudra donc que nous passions pour honnêtes les impiétés et les infamies dont sont pleines les comédies de Molière, ou qu’on ne veuille pas ranger parmi les pièces d’aujourd’hui celles d’un auteur qui a expiré pour ainsi dire à nos yeux, et qui remplit encore à présent tous les théâtres des équivoques les plus grossières dont on ait jamais infecté les oreilles des chrétiens…] Songez seulement si vous oserez soutenir à la face du ciel des pièces où la vertu et la piété sont toujours ridicules, la corruption toujours excusée et toujours plaisante ?

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