/ 328
187. (1818) Épître à Molière pp. 6-18

Pour mieux corriger l’homme, adroit réformateur, Tu l’observas longtemps, et tu le sais par cœur. […] On ne te trouve plus, chez nous, que dans les drames ; L’égoïsme, insensible à la voix du malheur, Aux pleurs de la pitié ferme toujours son cœur ; Et la philosophie et sa douce influence N’ont pu, de son exil, tirer la bienfaisance : Le cri de l’infortune est à peine écouté ; L’homme d’esprit sourit au mot d’humanité ; Le mérite caché languit dans la misère, Et l’intrigant, hélas ! […] Nous avons beau changer, sous des noms différents Les hommes sont toujours des fous ou des méchants : Du nouveau parvenu l’orgueilleuse impudence Brille sous les lambris de la fière opulence ; Pour mieux se déguiser parlant toujours d’honneur, Mondor avec succès tranche du grand seigneur ; Et sous les noms pompeux d’Excellence ou d’Altesse, De sa grandeur d’hier il cache la bassesse. […] Ce tour est trop hardi pour le temps où nous sommes : À la lisière, encore, il faut mener les hommes. […] Les tribunes des deux Chambres ont retenti des accents généreux des défenseurs de nos franchises ; de ces hommes qui préfèrent l’honneur aux honneurs,1a patrie à leur fortune, la liberté à tout : ils ont disputé pied à pied, au pouvoir, la plus sacrée de nos propriétés, le domaine de la pensée ; et la liberté de la presse, sans laquelle la pensée n’a qu’une vie éphémère.

/ 328