Chez les femmes de la haute société, le désir de se singulariser, de se distinguer autrement encore que par l’éclat du rang et de la richesse, avait engendré cette manie d’un langage subtil, affecté et presque énigmatique, dont les secrets, renfermés entre les adeptes, étaient inconnus au profane vulgaire. […] Mais il cesse d’être raisonnable, lorsque, dans son juste dépit contre le faux savoir et le faux esprit, il attaque l’esprit et le savoir véritables ; quand, révolté de voir des femmes qui abandonnent les travaux de leur sexe pour manier le télescope et l’astrolabe, il voudrait qu’elles ne touchassent même pas un livre ; quand, enfin, il regrette le temps où toute leur science se bornait à connaître un pourpoint d’avec un haut de chausses . […] C’est un fait connu de tout le monde, que la tendre amitié qui l’unissait à madame Necker, personne douée des plus hautes vertus, mais qui avait reçu, du côté de l’esprit, une éducation toute masculine, et avait apporté, au milieu de nos mœurs élégamment frivoles, les idées sévères et en même temps les manières raides et empruntées qu’on attribue aux femmes de son pays. […] Clitandre est un jeune gentilhomme, qui n’est pas d’une assez haute naissance pour se mésallier en épousant la fille d’un roturier, et qui a trop peu de bien pour ne pas désirer de faire un riche mariage, mais qui ne fait pas de son nom un trafic, et de sa recherche une spéculation ; qui aime Henriette bien moins pour sa richesse, que pour ses vertus, ses charmes et ses grâces, et qui se montre désintéressé, en offrant de partager sa fortune avec une famille qu’il croit entièrement dépouillée de la sienne : d’ailleurs, plein d’honneur et de loyauté, sensible au mérite parce qu’il en a lui-même, trop naturel pour ne pas être ennemi de l’affectation, et trop franc pour cacher un sentiment qui peut lui nuire, il est le modèle de ces jeunes gens raisonnables sans froid calcul, sensibles sans exaltation romanesque ; et généreux sans faste, comme sans effort, dont je voudrais pouvoir dire que la société abonde, mais que certainement toutes les mères devraient vouloir pour gendres, ainsi que leurs filles pour maris. […] Arrivé au comble de la souffrance, et touchant au terme de sa vie, son ressentiment contre la médecine était parvenu lui-même au plus haut degré d’exaspération ; et sa dernière comédie fut comme un testament ab irato contre une science qui ne pouvait ni soulager ses maux, ni prolonger ses jours.