Au milieu des fêtes splendides de Versailles données en l’honneur de mademoiselle de la Vallière, qui en était secrètement l’héroïne ; il y eut trois journées de réjouissances, de feux d’artifices, de pièces mythologiques, de ballets où tout ce qu’il y avait de brillant à la cour et le roi lui-même parurent travestis ; et c’est après ces longs enchantements que la toile se leva sur le théâtre de Molière, et qu’on vit paraître le bonhomme Orgon avec ses maximes tristes, et son engouement trivial pour Tartuffe, sa femme bâillant et ennuyée et sa maison sens dessus dessous. […] Il n’a encore entrepris aucune guerre injuste, il donne une vive impulsion à l’administration, aux plaisirs de la cour, où les héros sont Lauzun, Guiche, Vardes, les femmes, les nièces de Mazarin ; on n’y voit plus les frondeurs du commencement du règne, et les frondeurs de la fin n’ont pas encore paru ; La Bruyère est encore inconnu, Saint-Simon n’est pas même né, car il ne naîtra qu’en 1665 ; toute cette cour brillante dont Racine a été le vrai poète, et dont madame de Sévigné était, à ce moment, l’historiographe aimable, disait en voyant Tartuffe : « C’est la dévotion poussée à un excès possible. » Personne ne pouvait croire que Molière eût voulu faire contre la cabale des dévots une comédie si terrible ; personne n’aurait voulu se passionner pour ou contre un bourgeois de Paris, qui imagine, pour faire son salut, de livrer à ce bon monsieur Tartuffe son bien, son fils, sa fille et jusqu’à sa femme. […] La tragédie nous fournit quelques lumières indirectes ; mais de la façon qu’elle a été conçue en France, peignant les passions sous leurs traits les plus généraux, choisissant ses héros dans l’antiquité la plus reculée, et, alors même qu’elle ne se prive point de les faire parler à la moderne, réduite cependant par la nécessité de respecter son sujet à ne point souffrir une invasion trop manifeste et trop entière du moderne dans l’antique, vivant d’ailleurs par nature dans un monde de personnages et de sentiments idéaux, astreinte, à ce titre, à des traditions rigoureuses et à des vertus de convention que les dernières années du xviiie siècle ont à peine osé atteindre, elle a bien pu recevoir l’empreinte du changement des idées de Corneille à Racine, de Racine à Voltaire et à M. […] ALEXANDRE Viens, Bonaparte ; allons trouver Hannibal ; il n’y a qu’un héros qui puisse juger notre dispute.