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13. (1922) La popularité de Molière (La Grande Revue)

Raffinés, quintessenciés, subtils, fouillés jusqu’à la minutie, impénétrables pour qui ne les analyse pas avec réflexion et sagacité, tels sont les héros raciniens. […] La peinture de Molière, non seulement exagère à dessein, en l’accentuant par la suppression des nuances qui l’estomperaient, le caractère principal de son héros, mais elle choisit, elle invente des détails susceptibles de donner au public une impression à la fois immédiate et saisissante de la réalité. […] Et en effet, si nous croyons inexact d’affirmer que tout héros de Molière est la transposition scénique d’un personnage réel, il est certain que des traits d’une réalité parfois individuelle, le plus souvent collective, vivifient chacun d’eux. […] Notons-en seulement un caractère qui nous paraît contribuer pour une large part à la popularité des héros de Molière : c’est l’art qu’ils ont de manifester leurs sentiments et leurs passions en termes et en formules d’une vigueur qui les imprime dans toutes les mémoires et d’une simplicité qui les rend accessibles à toutes les intelligences. […] La popularité de Corneille tient plus à son « Qu’il mourût » qu’aux cinq actes de Polyeucte, et ce que nous avons retenu du pur et divin chef-d’œuvre, c’est la belle réponse du héros : Où le conduisez-vous ?

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