À Molière la gloire d’avoir, malgré le siècle, vu et peint la femme telle qu’elle est ; d’avoir ôté de son immortelle parure de grâce tout ce qu’on y joignait alors de faux et d’emprunté ; d’avoir dit et montré ce qu’elle doit être pour accomplir son rôle humble et sublime parmi nous. […] Molière met sous vos yeux, en exemple, la femme douce, sage, instruite, spirituelle et modeste ; il vous montre Henriette, pleine de bon sens, de timidité, de grâce, de fines reparties ; sa droiture d’esprit lui suffit pour être inaccessible aux fades compliments d’un diseur de douceurs qui n’en veut qu’à sa dot316 ; pour répondre à un gros pédant ce mot plein d’esprit français et de grâce féminine : Excusez-moi, monsieur, je n’entends pas le grec317 ; pour déclarer nettement à l’homme qui veut l’épouser malgré elle, qu’elle ne se sent point la force de supporter les charges et les périls du mariage sans le soutien de l’amour318. […] C’est un spectacle moral, de montrer celte imprescriptible liberté de l’âme qui reste bonne, pure, intelligente, capable et désireuse du vrai et du bien, malgré les efforts les plus patients et les plus habiles ; qui, jusque dans la naïveté d’une extrême ignorance, garde une fleur de grâce native, marque ineffaçable de son origine et de ses droits ; en sorte qu’après la lecture de la lettre d’Agnès, il n’est personne qui ne dise avec Horace : Malgré les soins maudits d’un injuste pouvoir, Un plus beau naturel peut-il se faire voir ?