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58. (1885) La femme de Molière : Armande Béjart (Revue des deux mondes) pp. 873-908

En 1670, dans le Bourgeois gentilhomme, où Armande tenait le rôle de Lucile, Molière la représentait avec une délicatesse de flatterie et un parti-pris d’admiration, qui témoignent, après huit ans de mariage, d’un amour aussi vif et aussi ardent que le premier jour. […] Dans ceux-ci elle trouvait un partenaire accompli en la personne de La Grange, le type du parfait amoureux, tel qu’on le voulait alors : tendre avec noblesse, empressé avec respect, d’une simple et grande politesse, comme le Cléonte du Bourgeois gentilhomme, à l’occasion dédaigneux ou hautain, d’une fine ironie ou d’une insolence méprisante, comme le Clitandre des Femmes savantes. […] Que l’on se rappelle son portrait dans le Bourgeois gentilhomme : sa beauté toute dans le regard, le sourire et les manières, cette beauté, où la nature a la moindre part et la volonté de plaire la plus grande était, par excellence, une beauté coquette. […] L’incertitude continue avec M. de Pourceaugnac, quoique le rôle de Lucette, la « feinte Gasconne, » y semble fait pour elle : si elle fut vraiment élevée en Languedoc, elle put retrouver dans les souvenirs de sa jeunesse l’accent nécessaire au patois qui étourdit le gentilhomme limousin. […] Mais nous savons par Molière lui-même ce qu’elle fut dans la capricieuse Lucile du Bourgeois gentilhomme ; on a vu quel ravissant portrait elle lui inspirait alors.

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