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108. (1881) Molière et le Misanthrope pp. 1-83

Comme l’affaire de la comédie est de représenter en général tous les défauts des hommes et principalement des hommes de notre siècle, il est impossible à Molière de faire aucun caractère qui ne rencontre quelqu’un dans le monde, et s’il faut qu’on l’accuse d’avoir songé à toutes les personnes où l’on peut trouver les défauts qu’il peint, il faut sans doute qu’il ne fasse plus de comédie. » Ainsi parlait Molière, s’adressant aux gens qui persistaient à donner des clefs de ses ouvrages, comme à ceux qui voulaient s’y reconnaître eux-mêmes, gens assez nombreux, puisqu’à la représentation d’une pièce où on le satirisait, lui, il devait compter parmi ceux qui applaudissaient, par esprit de vengeance, douze marquis, six précieuses, vingt coquettes et trente cocus. […] Alceste va nous le faire connaître en des vers admirables : Au travers de son masque on voit à plein le traître, Partout il est connu pour tout ce qu’il peut être Et ses roulements d’yeux et son ton radouci N’imposent qu’à des gens qui ne sont point d’ici. […] Les gens qui dans mes mains l’ont remise aujourd’hui Mais je veux consentir qu’elle soit pour un autre, passons là-dessus, laissons ce poète. […] Et croyez-vous les gens si privés de lumières ? […] je le sais bien, on n’aime pas convenir qu’on rit de cet honnête homme, de cet homme d’honneur ; même les sceptiques craindraient qu’on leur reprochât de méconnaître ce qu’il y a de plus noble et de plus douloureux au monde ; et sa défaite en amour le rend cher à ceux qui ont eu plus ou moins à se plaindre de Célimène, c’est-à-dire à… beaucoup de gens.

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